L’entrainement mental, pourquoi, par qui ?

 Le mental est souvent évoqué dans le monde du sport et dans le monde du football. Mais il reste bien souvent la composante de la performance oubliée dans l’entrainement. L’idée de base est qu’il se passe quelque chose dans la tête d’une personne quand elle atteint une performance ou qu’elle se retrouve en échec.  Ainsi, dans le football, il est sous-entendu que l’action des pensées, de la gestion de ses émotions, de son énergie ou d’autres paramètres vont influencer directement l’attitude et le comportement du joueur.

Pour d’autres, le mot mental est une notion assez vague mais qui en même temps représente beaucoup. Hubert Ripoll[1] parle du mental comme « des processus psychiques de nature cognitive qui modulent nos comportements soit en les facilitant, soit en les inhibant »[2].

 Certains pays sont plus enclins sur ces notions de préparation mentale afin d’atteindre la performance comme les USA ou l’entrainement mental est rentré dans les mœurs depuis de nombreuses années dans le milieu sportif. Pourtant, force est de constater que la psychologie du sport est née en France et en Italie dans les années 50 mais que ces pays ont rejeté en bloc cette idée que le mental pouvait agir sur le comportement du joueur ou de l’entraineur.

Souvent aussi, le mot mental est utilisé par les entraineurs ou les joueurs pour se dédouaner d’une contre-performance ou au contraire pour expliquer une réussite. Nous entendons souvent dans les nombreux reportages ou lisons dans les articles de presse, « nous avons été plus fort mentalement ». Dernièrement, le constat d’Arsène Wenger sur le match du PSG en Ligue des Champions était le suivant :

“Ce qui était intéressant ce soir, c’est de voir qu’à 1-1, le PSG s’est effondré sur un plan mental, observe le technicien français. C’est lié au fait que cette équipe a perdu cette saison huit matchs en Ligue 1. Cela a des conséquences dans ce genre de situations. (RMC Sport)”

Ainsi, les aspects techniques, tactiques, physiques sont mis à l’écart comme si le mental était la source évidente de réussite ou d’échec. Si le joueur n’a pas de problème physique, technique, tactique, ce ne peut être que mental.

De ce fait, les sportifs ont de plus en plus recours à la préparation mentale pour atteindre le but ultime.

Mais pour aller plus loin, pour atteindre le but ultime, est ce que la préparation mentale le permet ?

L’idée est de dire que comme nous sommes allés aux limites de la préparation physique, au frontière de la technologie, nous pouvons imaginer ne pas être allé aux limites du mental et donc de l’utilisation de la préparation mentale afin d’atteindre ces ou ses limites.

En effet, les gains étant de plus en plus faibles pour tous sportifs ou performers, il est légitime de penser que l’on peut trouver des ressources pour aller toujours « plus loin, plus haut, plus fort » grâce à l’entrainement mental.

Alors, peut être que le problème qui fait que le footballeur est contre performant n’est pas ce qu’il fait mais ce qui se passe dans sa tête, ce qu’il pense.

D’où un travail pour décortiquer ce que les personnes font dans les situations de réussites ou d’échecs, le quantitatif et le qualitatif, et en extraire des outils que les personnes ont soit en elle, soit qu’on lui apporte afin de renouveler la performance ou d’annuler la contre-performance.

 Mais certaines limites peuvent aussi résidées dans cette manière d’agir. En effet, l’être humain est un système complexe, avec une histoire, un vécu, une expérience et il faut pouvoir analyser la stratégie de l’individu dans son ensemble afin d’en tirer les bonnes conclusions. Si l’environnement de l’athlète est différent entre la compétition et l’entrainement, il est évident qu’il y aura des perturbations. Et l’entrainement mental ne peut pas être la seule solution à la difficulté rencontrée.

Ainsi, si je m’entraine tous les jours sur une surface dure et que je vais aller faire ma compétition sur une surface gazonnée, il y a risque de perturbations qui ne seront en aucun cas liées à un travail de préparation mentale. Je peux à la limite, m’y préparer, grâce à de l’imagerie mais si je n’ai pas vécu les émotions et les sensations liées à ce contexte spécifique, peut être me sera-t-il difficile d’être performant. Il est primordial pour expliquer une performance (ou une contre-performance) d’y intégrer son contexte et tous les systèmes que s’y rattachent.

Le comportement qui tend vers la performance ne peut faire l’économie d’une stratégie qui amène la personne à appréhender les éléments du succès dans son ensemble. Il n’y a pas le mental d’un côté et le physique par exemple de l’autre. Le tout est supérieur à la somme des parties et l’ensemble des éléments doivent interagir les uns avec les autres pour mener le joueur et l’équipe vers la réussite. Il faut alors éviter le découpage, comprendre que la personne agit dans un environnement en perpétuel évolution et que cela peut provoquer des conflits intérieurs.

Il faut donc rester mesuré sur la place du mental dans la performance car dans un système complexe, en présence de nombreux leviers, nous ne pouvons être sûre que la préparation mental peut tout modifier. Tout n’est pas uniquement mental.[3]

 Enfin, la préparation mentale peut être considérée comme un outil d’aide à la performance et en aucun cas de suivi psychologique. Il y a alors une différence entre ces deux domaines : le premier est assuré par le préparateur mental ou l’entraineur et le second par le psychologue. Il faudra alors être vigilant sur les besoins de l’athlète.

En effet, il peut se créer un déséquilibre, de la souffrance car beaucoup de sacrifices doivent être consentis pour réussir à un haut niveau et même s’il existe des fluctuations normales dans la carrière d’un athlète, si un mal être subsiste, le psychologue sera mieux armé pour aider la personne.[4]

 La composante mentale fait partie intégrante des capacités que doit posséder le joueur pour d’une part progresser dans sa pratique et d’autre part être performant sur le terrain. Notre approche englobe la préparation mentale au sein même des différentes tâches d’entraînement que nous proposons. Nous prônons, en tout cas dans un premier temps, une approche intégrative et une pédagogie écologique qui prévoit une interaction tache-joueur-environnement permanente. L’objectif de cette démarche et de proposer au joueur un travail intégré aux multiples situations qu’il va vivre sur le terrain : Rester concentré dans le turn-over perte/récupération, faire preuve d’agressivité dans les situations défensives, prendre des initiatives dans les situations offensives, maintenir sa capacité de résilience face au défi… telle est notre démarche et notre ambition. La possibilité pour l’entraineur de passer du temps en dehors de ces séances d’entrainement pour travailler l’aspect mental de l’activité est tout à fait envisageable. Il parait même nécessaire pour optimiser l’accompagnement individualisé du joueur et rééquilibrer une structure qui peut faire défaut. Cependant, en abordant l’entraînement comme un « outil de renforcement » de la composante mentale, l’entraîneur optimise le système joueur-contexte.

Pour ce faire nous proposons de travailler sur  « l’entrainement modelé » qui nous parait être la méthode la plus appropriée pour engager le joueur dans une logique de préparation intégrée et de concert de développement du projet de jeu souhaité.

Gérard Houiller (entraineur) : « Le mental fait partie de la panoplie du gagneur. Savoir s’imposer comme un joueur au mental fort, maître de lui dans toutes circonstances, capable de se surpasser quand la situation l’exige. »

 La préparation mentale, ou, quand, comment ?

Notre position nous amène à dire que le premier préparateur mental de l’équipe est l’entraineur. Le joueur ou le staff technique pourront toujours faire appel à une personne extérieure afin d’intervenir sur du plus ou moins long terme pour aider l’équipe ou le joueur à gérer des paramètres de la performance inhérents à la préparation mentale. Mais, dans notre concept, il nous parait essentiel que l’entraineur ait à sa connaissance les outils et modes d’intervention qu’il pourra utiliser à bon escient avec son équipe afin d’optimiser la performance individuelle et collective. Il renforce ainsi un système joueur-entraîneur-environnement qui est essentiel dans l’optimisation de la performance. Des lors, L’entrainement mental devient l’ensemble planifié de méthodes, techniques et de moyens visant à optimiser la performance sur le plan mental dans le projet de jeu.

 La répétition mentale représente la particularité d’être très proche de la répétition physique ou technique. De ce fait, l’entrainement mental doit s’intégrer dans la séance comme peut l’être la préparation physique ou technique. Mais l’entrainement mental doit servir le football et non l’inverse. La priorité est affichée clairement, le mental au service du jeu.

M.Vaneck et B. Cratty (psychologie sportive et compétition, Paris :ed.univestitaire, 1972), traitent de « l’entrainement modelé » qui vise à reproduire au sein même de l’entrainement les conditions que l’équipe ou le joueur rencontreront en compétition. Il s’agit alors d’y inclure des contraintes sociales et psychologiques afin d’être le plus proche possible de l’état mental de compétition. Le système de contrainte sur la tâche, le joueur ou l’environnement favorisera l’émergence des comportements à développer. Ainsi, cela suppose que les joueurs seront préparés à répondre aux aléas du match sur le plan psychologique car ils auront été préparés en amont à y répondre. C’est sur cette théorie que nous développerons notre concept de « réponse mentale adaptée ». Cependant, pouvons-nous toujours reproduire la charge mentale de la compétition ? La match est un moment à part entière et entièrement à part dans le parcours du joueur. Il serait donc utopique de croire que l’entrainement permettra à tous les coups d’atteindre cet objectif.

Pour autant, Le rôle de l’entraîneur et de son staff sera donc de créer des conditions qui permettront de retrouver un contexte émotionnel le plus en lien possible avec celui de la compétition. Nous pensons que c’est ce contexte émotionnel qui favorisera le transfert entraînement/compétition. Notre objectif sera de s’en approcher afin de s’entraîner comme on joue et jouer comme on s’entraîne pour accompagner le joueur dans l’optimisation de son intelligence émotionnelle.

L’émotion a une grande influence sur la prise de décision. Si le joueur est entraîné émotionnellement, ses décisions seront plus stables et plus pertinente. L’entraînement  sera donc le lieu des ancrages émotionnelles et du développement de marqueurs somatiques permettant aux joueurs de se reconnecter de façon inconsciente à leurs émotions pour faciliter leurs prises de décisions.   

 Notre Vision : Le concept de « réponse mentale adaptée »

            Dans notre approche de l’entrainement et au sein même de nos tâches proposées, nous incluons les différentes qualités psychologiques qui nous semblent incontournables dans la préparation du joueur et de l’équipe sur le plan mentale. Nous jouerons donc sur certaines variables didactiques ou consignes de jeu suscitant ainsi une réponse mentale adaptée. Ces réponses mentales pourront être entretenues ou renforcées suivant l’analyse et l’observation de l’entraineur sur les comportements individuels de son équipe ou de ses joueurs en situation de match, en lien avec les profils individuels et le projet de jeu développé. Par exemple, si vous observez que votre équipe à tendance à perdre son contrôle émotionnel lorsque l’arbitre prend une décision, vous tâcherez de construire une tâche d’apprentissage dans laquelle vous prendrez délibérément de mauvaises décisions qui nuisent à l’une des deux équipes. Les joueurs de cette équipe prendront conscience de cette intentionnalité et devront mener une réflexion ultérieure par rapport à la façon dont ils ont ressenti cette situation potentiellement stressante sur le plan émotionnel et certainement comment ce contexte provoqué les a affectés. Ont-ils adapté la bonne réponse mentale et leur décision ont elle était impactée par ce contexte ?

De manière générale, nous observons 6 qualités essentielles que l’entraineur doit inclure dans l’entrainement de son projet de jeu : La motivation, L’attention/concentration, L’agressivité, Le contrôle des émotions, la prise d’initiative et le dépassement de soi.

[1] Psychologue du sport

[2] Canal Insep

[3] Canal Insep

[4] Cours DUPM

Ainsi, ses axes de développement et d’optimisation du potentiel mental du joueur et de fait de l’équipe seront proposés de façon plus ou moins importante dans l’entraînement mais toujours présents dans le processus d’apprentissage. L’entraîneur devient alors un créateur de contexte favorisant l’émergence de comportements et de réponses mentales adaptées. 

Luigi RENNA

1 Commentaire

  1. Nacim

    Merci
    Je suis certifié préparateur mental

    Réponse

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